Nous aussi, on se mobilise en réaction à ce découpage sans cohérence ». La voix des deux avocats est montée sur une note de blog aussitôt, voire même un peu avant, le découpage rendu public. « Ils sont devenus fous », s’estomaque Me David Rajjou, furax que « le président de la République ait raté une chance historique de réunifier les cinq départements. Au lieu de quoi, on continue à rendre les choses toujours plus compliquées ». La Bretagne à cinq départements, les professionnels de la justice la connaissent. Bien. « C’est ce que l’on appelle le ressort judiciaire de la cour d’appel de Rennes. Pour faire simple, un Nantais qui fait appel d’une décision de justice sera jugé à Rennes. Comme un Brestois ou un Vannetais », pose Me Pierre-Hector Rustique. Une vérité vieille d’au moins mille ans, « Nantes fait partie de la Bretagne, nos confrères avocats nantais sont des avocats bretons, point à la ligne ». Et d’enfoncer gaillardement le clou : « Ce sont les mêmes barons socialistes qui se sont élevés contre la réforme de la carte judiciaire de Rachida Dati qui, un temps, prévoyait cette dislocation judiciaire et son calque sur les régions administratives et qui aujourd’hui ont laissé faire cette schizophrénie, soit en ne disant rien, soit en s’agitant ».
Mais les plaideurs, revendiqués « du terrain », n’ont pas de mots assez durs pour ce « découplage administratif et judiciaire » suspecté d’avoir été hâtivement bâché dans les ors parisiens. « Mais on ne joue pas au puzzle avec l’histoire et la géographie » gronde Me David Rajjou, « il ne faut vraiment pas connaître le territoire pour savoir que tant culturellement, qu’économiquement, qu’historiquement ou judiciairement, cette région existe déjà ». Appelant leurs confrères à nourrir la fronde naissante, pour l’instant relayée surtout du côté de Quimper et du cabinet de Me Erwan Costiou, les deux avocats entendent continuer à combattre ce « projet improductif, voire dangereux, pour la Bretagne à laquelle nous sommes attachés. Quand le pouvoir commet un tel contresens, au-delà de toute conviction politique, nous sommes juste dans un problème de cohérence », explique Me Pierre-Hector Rustique.
Il cite alors Ernest Renan, « le Breton superstar des Jacobins que personne n’a lu » qui dit, dans « Qu’est-ce qu’une nation ? » : « Si des doutes s’élèvent sur ses frontières, consultez les populations disputées. Elles ont bien le droit d’avoir un avis sur la question. Voilà qui fera sourire les transcendants de la politique, ces infaillibles qui passent leur vie à se tromper ». Me David Rajjou sourit. Il préfère, pour sa part, s’en remettre à un proverbe breton qui veut que « la terre est trop vieille pour qu’on se moque d’elle ».
Crédit :Le Télégramme
https://www.letelegramme.fr/bretagne/reforme-territoriale-deux-avocats-haussent-le-ton-12-06-2014-10207775.php#GJbdCZHrBKWh4Qzw.99