Plus de 2 000 parties civiles, 230 tomes de dossier, six magistrats instructeurs, plus de 13 000 procès-verbaux d’audition ! Le procès des attentats du Bataclan a de quoi donner le tournis. « C’est un procès complètement hors normes qui devrait durer au moins six mois », commente, dans son cabinet brestois, l’avocat David Rajjou qui défend cinq parties civiles dans ce dossier. « L’instruction devrait être bouclée en septembre 2019 et le procès devrait avoir lieu en 2021. Où ? On ne le sait pas encore. Je pense qu’on s’oriente vers une très grande salle comme pour le procès AZF, à Toulouse (1) ».
L’avocat brestois dit avoir accès très facilement au dossier via un portail informatique dédié. « On n’a rien à envier à nos collègues parisiens. Moi, je préfère la proximité avec mes clients. Comme ils vivent ici, on peut se rencontrer et échanger facilement. Notre rôle d’explication et de pédagogie est important. Outre le volet judiciaire, on intervient aussi sur tout ce qui touche aux indemnisations du fonds de garantie, aux expertises ».
« C’est un acte de guerre »
David Rajjou désire que ce procès soit irréprochable. « Logiquement, les victimes que je défends pourront s’exprimer à la barre, directement ou par mon intermédiaire. Elles attendent de ce procès un grand moment de vérité. Le processus de reconstruction ne peut être engagé sans cela ». Reste que Salah Abdeslam a opté pour le mutisme le plus complet, comme il l’a démontré, au printemps dernier, en Belgique, lors du procès de la fusillade de Bruxelles à laquelle il a participé et pour laquelle il a été condamné à vingt ans de détention criminelle. « La seule déclaration qu’il a faite était de la propagande islamiste. De la pure provocation » poursuit Me Rajjou.
Un de ses clients, Jérôme (1), tenancier de bar, dit avoir hâte que le procès se tienne. « C’est interminable. Je ne comprends pas qu’au printemps dernier le principal juge chargé de l’enquête (le juge Teissier) ait été nommé ailleurs. Il est évident que ça a ralenti l’instruction ». Quant au principal accusé, Salah Abdelslam, Jérôme n’en attend pas grand-chose. « Il n’assume pas ce qu’il a fait. Pour moi, c’est un mafieux, un délinquant qui n’a aucune envergure, à qui on a promis de l’argent, des femmes et du pouvoir. Jamais l’esprit de revanche ne m’a animé. D’abord, pour moi, la peine de mort, c’est la loi des faibles. Pourtant, pendant un certain temps, j’ai évoqué la possibilité de rejoindre les troupes kurdes en Syrie pour combattre Daesh comme l’ont fait certains Français. Et j’y ai renoncé ».
Abdelslam : « Un pantin qui a agi par opportunisme »
Thierry (2), qui a été blessé d’un tir de balle à la jambe lors de l’attaque, dit avoir pris beaucoup de distance, ces derniers mois, avec le cauchemar qu’il a vécu il y a trois ans. « Pour autant, j’ai l’intention d’assister aux temps forts du procès. Je pense, en particulier, à la plaidoirie de l’avocat de la défense, si Salah Abdelslam accepte de se faire défendre. Je suis curieux de voir comment on peut défendre une telle personne. C’est un pantin, sans conscience politique, qui a agi uniquement par opportunisme et qui a brisé bien des vies. Moi, j’ai de la chance. Avec ma compagne, qui était aussi au Bataclan ce soir-là, on s’est reconstruit. Ça n’est malheureusement pas le cas de tout le monde ».
Si pas mal de victimes attendent beaucoup de ce procès, d’autres restent plus réservés. C’est le cas de Jacques qui réside dans le Nord-Finistère. « Pour moi, c’est un acte de guerre. La justice est complètement dérisoire par rapport à cela ».
Crédit : Le Télégramme
https://www.letelegramme.fr/france/bataclan-vers-un-proces-hors-normes-13-11-2018-12131379.php#2TRHUjMORO0bBSoZ.99